Achats et nouveau modèle opérationnel - Partie 2 : Les talents

Michael van Keulen
Michael van Keulen
Chief Procurement Officer, Coupa

Michael van Keulen (aka “MVK”), Coupa's Chief Procurement Officer, has been in finance and procurement for 20+ years at high growth global companies where he managed procurement transformations and digitized the procurement process, driving significant stakeholder value.  Michael is a procurement fanatic, passionate about elevating the role of procurement by applying best in class practices and enabling business spend management through the power of digitization.

Temps de lecture : 12 mins
Achats et nouveau modèle opérationnel - Partie 2 : Les talents

« En quoi consiste la fonction Achats ? » est une question que l’on me pose souvent. 
 
En résumé, je dirais que la fonction Achats aide l’entreprise à prendre des décisions avisées en matière d’achats et à optimiser la valeur de chaque euro dépensé.

Mais, en réalité, nous jouons de nombreux rôles différents : intermédiaire, conseiller, négociateur, comptable, agent de police, juge, juré et lobbyiste, et le tout dans la même journée. Les professionnels de la gestion des achats sont des entrepreneurs, des innovateurs, des visionnaires et des stratèges !

Au cours de ma carrière, j’ai ainsi eu l’opportunité de créer de toutes nouvelles équipes, de transformer et d’élever les performances pour mieux soutenir les objectifs de l’entreprise. En ressort un constat : l’importance de disposer des bonnes personnes dotées des bons talents, d’une diversité, d’une dynamique, d’une attitude et d’une ambition pour générer le changement.

Dans le premier article de cette série, Achats et nouveau modèle opérationnel - Partie 1 : Les processus, j’ai démontré que les modèles opérationnels pour les achats se devaient d’évoluer. Nous devons toutefois tenir compte de ce que cela représente pour notre ressource la plus stratégique, nos talents.

Évoluant rapidement, la mission des achats est actuellement en train de passer de la gestion des appels d’offres, de l’optimisation du contrôle des dépenses et du suivi de la compliance à un rôle de partenaire métier stratégique. La fonction Achats est à présent responsable de la gestion des risques liés aux tiers, de la création de valeur ajoutée, de l’innovation et de guider l’entreprise dans ses orientations futures.

Se positionner en tant que catalyseur et amener plusieurs équipes transversales gérant des défis métier complexes à collaborer nécessite toutefois des compétences très différentes. C’est ici une preuve du décalage qui existe entre un rôle traditionnel qui se veut discret, les négociations concurrentielles et l’expertise approfondie des catégories d’achat que la fonction Achats connaît si bien. Ajoutons les bouleversements induits par les avancées technologiques qui permettent aux entreprises de capitaliser plus rapidement sur les opportunités qu’elles identifient, et la nécessité de disposer de nouvelles compétences devient évidente. L’intelligence artificielle (IA), l’automatisation des processus robotisés (RPA) et la digitalisation de l’intégralité du processus de procure-to-pay nous imposent de réétudier les compétences dont nous avons réellement besoin.

Achats et évolution des compétences requises

Le rôle de la fonction Achats s’articule traditionnellement autour de la réduction des coûts. Le rapport 2020 Procurement Insight Report, disponible en anglais, révèle ainsi que 60 % des entreprises sont convaincues que la pandémie a exacerbé leurs défis existants concernant les talents, les processus et les technologies. Tandis que ce contexte rend l’automatisation plus attrayante, il a également modifié les besoins en ressources humaines. Une étude réalisée par APQC a ainsi classé les compétences sociales et relationnelles comme étant stratégiques, les plus cruciales incluant la pensée critique, la communication, la gestion des parties prenantes et l’établissement de relations.

Les équipes Achats doivent s’approvisionner (en EPI par exemple) dans des secteurs où elles n’ont aucune expérience ni relation. Un nombre toujours plus important d’équipes travaillent à distance, en utilisant de nouveaux processus dématérialisés. Quelles sont les principales compétences dont les spécialistes du domaine auront besoin demain ?

Depuis plus de 20 ans, j’ai eu la chance d’encourager la transformation, d’établir et de développer des processus achats, et de former des équipes, parfois toutes nouvelles. Lorsque je recrute, j’étudie plusieurs critères :

1. Diversité

Les services Achats ont besoin de davantage de diversité, de diversité en genre, orientation sexuelle, religion et origine ethnique. Sans oublier la diversité des parcours professionnels et de la formation. En tant que manager, j’ai recruté des personnes issues de l’univers des ventes, du service client, de la finance, des RH, de l’IT, de la comptabilité et de la logistique.

Ne vous y trompez pas, j’ai embauché des personnes ayant une grande expérience dans le domaine des achats, mais disposer d’une bonne combinaison de talents permet tout simplement de générer de meilleurs résultats au niveau opérationnel. Soyons honnêtes, les achats n’ont rien de très sorcier. Les compétences achats sont transférables et peuvent être acquises par tout un chacun. De par mon expérience, je sais que les talents les plus performants sont souvent ceux qui ont le moins d’expérience dans le monde des achats, mais qui adoptent la bonne attitude, avec élan, envie et passion. De telles caractéristiques prévalent sur des dizaines d’années d’expérience.

Soyons honnêtes, les achats n’ont rien de très sorcier.
2. Curiosité naturelle

Les personnes qui font naturellement preuve de curiosité vis-à-vis des processus, des relations humaines et du monde qui les entoure ont tendance à voir plus loin que le bout de leur nez. Elles savent comment poser les bonnes questions, elles savent approfondir et elles sont souvent enclines à faire un effort supplémentaire pour appréhender les impératifs de l’entreprise et étudier les alternatives. Cela permet généralement d’aboutir à de meilleurs résultats, de générer davantage de valeur, de découvrir des solutions nouvelles et innovantes, et bien plus encore. Je parviens souvent à évaluer la curiosité naturelle de mon interlocuteur en abordant ses centres d’intérêt, ses loisirs ou son émission TV favorite (la mienne, c’est le programme « Comment s’est fait »).

3. Intelligence émotionnelle

La fonction Achats devant incarner un si grand nombre de rôles différents, une nécessité est évidente, celle de faire écho auprès des différentes parties prenantes, d’adapter la communication et de penser stratégiquement tout en étant en mesure d’agir de manière tactique. L’intelligence émotionnelle et les compétences relationnelles occuperont à l’avenir une place de plus en plus importante dans les organisations Achats. Cela consiste ainsi à parler à des publics différents avec des priorités concurrentes à différents moments, puis à passer rapidement d’une partie prenante à une autre, chacune ayant des objectifs distincts. Nous avons besoin d’un état d’esprit similaire à celui du service client, tout en étant en mesure de gérer l’ambigüité, de se focaliser sur les résultats et de viser l’excellence.

En parallèle, la fonction Achats doit se donner le but ultime de soutenir les objectifs stratégiques de l’entreprise dans son ensemble. Accenture note que les organisations Achats devront donner la priorité aux aspects humains et « redéfinir la mission et les compétences des personnes impliquées dans le sourcing tactique pour collaborer avec tous les groupes de parties prenantes dans la conception de nouveaux modèles de remédiation, de développement produit et d’exécution des niveaux de service ».

4. Gestion de projets

La fonction Achats doit être en capacité de gérer des appels d’offres vastes et complexes, ce qui suppose de bonnes compétences en gestion de projets. Elle doit être en mesure d’élaborer une planification claire, de réunir différents experts techniques, d’adopter une approche RACI, de définir des livrables et de responsabiliser les intervenants (Responsible et Accountable dans le modèle RACI). Dans le même temps, il est important de garantir que les principales parties prenantes sont consultées et tenues informées (Consulted et Informed dans le modèle RACI), en particulier lorsqu’il est question d’acter des décisions finales.

5. Digital

Les membres des services Achats doivent considérer les avancées technologiques comme des leviers et des catalyseurs pour accélérer la création de valeur. Les spécialistes Achats de demain devront interpréter les informations de manière efficace, donner sens, extraire de la valeur et communiquer des idées à mesure que les technologies dédiées à l’intelligence artificielle (IA), à l’automatisation des processus robotisés (RPA) et à la blockchain ne cessent de progresser.

Demandes d’informations, appels d’offres, achats guidés, gouvernance en matière de dépenses, gestion des contrats et analyse des dépenses : certaines de ces technologies sont aujourd’hui en train de se substituer aux tâches tactiques, transactionnelles et opérationnelles des achats. Les équipes Achats devront moins se soucier de ces activités et se montrer plus proactives dans la gestion des catégories, des risques et des performances fournisseurs, ainsi que l’innovation et la croissance du chiffre d’affaires. Elles auront également accès à l’intelligence collective de la communauté Coupa, tout en tirant parti du pouvoir de négociation de leurs pairs et en étant suffisamment armées pour transformer ces informations en avantage concurrentiel.

Quel est le secret pour attirer et fidéliser des talents ?

Selon McKinsey, la mise en place de nouvelles pratiques de travail au sein des services Achats nécessitera non seulement l’implication d’un plus grand nombre d’analystes et ingénieurs en données, mais également un recours accru aux « compétences relationnelles nécessaires pour cultiver de solides partenariats avec les fournisseurs et collaborer de manière plus efficace et plus agile avec les fonctions internes à travers l’entreprise ». Les organisations Achats les plus performantes « adopteront au quotidien une culture prônant l’apprentissage continu », indique par ailleurs McKinsey.

Dans le domaine de la formation dédiée aux achats, le choix est limité, mais les choses changent (doucement), en particulier avec la récente attention portée à la fonction Achats. La plupart des spécialistes que je connais se sont engagés dans l’univers des achats après avoir découvert leur passion dans le cadre d’autres fonctions (IT, supply chain, finance, juridique, etc.). J’ai moi-même débuté ma carrière dans le domaine de la finance.

Pour attirer les meilleurs talents, les responsables des achats doivent ainsi se montrer créatifs lorsqu’ils constituent leurs équipes et mettent en place de bonnes pratiques en matière de sourcing stratégique.

Pour commencer, nous devons faire beaucoup plus pour améliorer l’image des achats, comme l’indique Michael Cadieux et son initiative Procurement Foundry. En mettant l’accent sur notre proposition de valeur, à savoir à quel point les achats encouragent l’innovation et aident les entreprises à dépasser leurs objectifs stratégiques, nous avons les moyens de faire voler en éclat les préjugés. La fonction Achats se doit ainsi de passer de simple soutien aux activités à partenaire de choix !

Le moyen le plus rapide d’identifier les bons talents est de développer les compétences de vos ressources existantes. Cela paraît évident, mais c’est souvent un aspect qui n’est pas considéré à sa juste valeur, et qui peut aboutir à des frictions au sein de l’équipe ainsi qu’à l’émergence de défis en termes de rétention des talents. Le développement des compétences peut s’appuyer sur la formation, les mises en situation et la pratique. Cela peut exiger beaucoup d’efforts en amont, mais je trouve qu’il est extrêmement gratifiant de donner les moyens à ses équipes et de les observer évoluer et gagner en maturité. Dans mon parcours, cela a abouti à la formation d’équipes très performantes, dotées d’une capacité à développer leurs compétences et à croître à mesure que la fonction gagne en maturité, un aspect particulièrement important en matière de maturité des achats. À ce sujet, n’hésitez pas à consulter notre modèle de maturité en 4 phases.

Il est bien évidemment essentiel de vous appuyer sur une structure de rémunération adaptée et d’offrir des opportunités de développement personnel ou d’évolution pour améliorer la rétention des talents. Il ne faut pas ici négliger l’importance de l’élimination des tâches manuelles, répétitives et superflues en déployant des technologies (découvrez-en davantage à ce sujet dans mon article suivant), pour les remplacer par des missions à plus haute valeur ajoutée comme le category management, les relations fournisseurs et l’innovation. La satisfaction de vos collaborateurs s’accroît lorsque ces derniers se focalisent sur des domaines à même de créer une valeur concrète pertinente et soutiennent les objectifs stratégiques de l’ensemble de l’entreprise. Vos talents ne souhaitent pas passer des semaines à identifier et classer manuellement des dépenses, à résoudre des conflits internes et/ou à lancer des appels d’offres par e-mail ou Excel. Libérez le potentiel de ces talents en leur laissant le soin de nous guider à travers l’évolution permanente des achats nous permettra d’attirer les meilleurs d’entre eux. Les postes de responsables des achats, ou CPO, se classent déjà en 11e position sur la liste des fonctions les plus plébiscitées en 2020, avec 15 % de croissance selon Supply Chain Dive.

Enfin, j’ajouterais qu’il est évidemment très efficace de recourir à votre réseau et de rester ouvert lors de vos efforts de recrutement. Accordez moins d’importance à l’expérience dans le domaine des achats tout en valorisant les compétences relationnelles, la capacité à prendre des décisions, l’agilité et la volonté d’apprendre continuellement. Le professionnel des achats du futur est un athlète polyvalent, et non un expert technique doté de simples compétences en négociation !

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