ESG : quels enjeux réglementaires pour votre entreprise ?

Abigail Myers-Antiaye
Abigail Myers-Antiaye
Senior Product Compliance Manager, Coupa

Abigail Myers-Antiaye is Coupa’s Senior Product Compliance Manager. After receiving her Law LLB (Hons) Degree from University of Nottingham, she studied the Legal Practice Course (LPC) at BPP University London in Holborn. For over five years, she has worked in Product Compliance with a specific focus on Invoicing and Global Indirect Tax Compliance, and has significant experience with helping companies understand and implement invoicing solutions in line with indirect tax rules.

Temps de lecture : 7 mins
ESG : quels enjeux réglementaires pour votre entreprise ?

Les critères ESG, de quoi s’agit-il et comment les mesurer ?

Les critères ESG sont un sujet prioritaire, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. Ils concernent trois dimensions principales :

Environment : mesure de l’impact des activités de l’entreprise sur l’environnement
Social : analyse des relations de l’entreprise avec les parties prenantes internes et externes
Gouvernance : évaluation du leadership de l’entreprise, de la rémunération des dirigeants, des contrôles internes et des droits des actionnaires.

Dans un rapport publié en 2021, Forbes résumait parfaitement les critères ESG en les décrivant comme : « reflétant les risques et opportunités identifiés et quantifiés par une entreprise, et mettant en avant ses valeurs éthiques. Ces considérations mesurables sont une aide précieuse dans la prise de décisions stratégiques, à la fois pour les partenaires et investisseurs externes et pour les dirigeants de l’entreprise ».

Cet article s’intéresse aux dispositions législatives prises par différents pays pour atteindre leurs objectifs nationaux en réponse aux problématiques sociales et environnementales, qui imposent aux entreprises la mise en place de processus de due diligence, pour leurs pratiques directes comme pour leur supply chain dans son ensemble. Outre ces obligations réglementaires et la volonté des entreprises d’adopter un positionnement exemplaire, les critères ESG sont un facteur déterminant pour les investisseurs. Ils impactent toutes les entreprises, qu’elles soient ou non soumises à des obligations en la matière1.

Il existe différents moyens de mesurer l’approche ESG d’une entreprise, notamment les éléments suivants :

  1. Disposer d’un ensemble de politiques internes clairement définies, détaillant les objectifs de l’entreprise et sa stratégie concernant les problématiques environnementales et sociales ;
  2. Documenter et publier toute irrégularité en matière d’ESG ;
  3. Recourir à un mécanisme précis pour traiter tout manquement en matière d’ESG.

Compte tenu du renforcement de la réglementation sur ce sujet, la façon de mesurer les performances ESG n’est plus laissée à l’entière discrétion des entreprises. Dans certains cas, ces dernières doivent même se soumettre à des règles imposant de manière récurrente des exigences spécifiques de due diligence et de reporting.

Quelles réglementations depuis ces dix dernières années ?

Le California Transparency in Supply Chains Act (loi californienne relative à la transparence des supply chains) a été promulgué en 2010 et est entré en vigueur le 1er janvier 2012. En vertu de cette loi, certaines catégories de retailers et de fabricants opérant en Californie et dont le chiffre d’affaires mondial dépasse les 100 millions de dollars, doivent présenter leur plan d’action pour lutter contre l’esclavage et la traite des êtres humains au sein de leur supply chain. Les obligations de reporting couvrent cinq domaines distincts : 

  1. La vérification, visant à contrôler qu’une entreprise applique à sa supply chain les procédures de due diligence appropriées afin d’évaluer et de gérer les risques liés aux droits humains ; 
  2. Les audits, garantissant que la supply chain d’une entreprise est conforme aux politiques applicables ; 
  3. Les certifications, qu’une entreprise doit exiger de la part de ses fournisseurs directs afin de s’assurer de leur conformité réglementaire ;
  4. La responsabilité, dans le but de veiller à l’application et au maintien de normes et procédures pour les collaborateurs/sous-traitants ne satisfaisant pas aux règles établies ; 
  5. La formation, que doit fournir une entreprise sur l’esclavage et la traite des êtres humains. 

Cette mesure législative a une importance particulière, car il s’agit de l’une des premières lois au monde relatives à la transparence de la supply chain. L’État de Californie a donc été précurseur.

Le Uyghur Forced Labor Prevention Act 2021 (UFLPA) (loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours) est entré en vigueur le 21 juin 2022. Il estime en effet que tout produit fabriqué, même partiellement, dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang en Chine, ou par certaines entités au sein de cette région, est issu du travail forcé et ne peut être importé, sauf si les entreprises sont en mesure de fournir des preuves claires et convaincantes du contraire. Cette présomption oblige les entreprises utilisant des biens fabriqués dans la région ouïghoure à démontrer qu’aucun de ces biens importés n’est le fruit du travail forcé.

La Lieferkettensorgfaltspflichtengesetz (LkSG) (loi allemande de 2023 relative à la supply chain) a été finalisée en 2021 et devrait entrer en application le 1er janvier 2023 pour les entreprises de plus de 3 000 employés, établies en Allemagne ou ayant une filiale sur ce territoire (une extension de la loi aux entreprises de plus de 1 000 employés est prévue au 1er janvier 2024). Si la législation en matière d’ESG n’est pas une nouveauté, la loi allemande est néanmoins inédite : il s’agit en effet de la première mesure législative englobant un certain nombre de domaines de risque (environnement, travail forcé, travail des enfants, liberté d’association) considérés pour l’ensemble de la supply chain et non limités aux fournisseurs directs.

La proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises est en voie de finalisation, mais la dernière proposition, publiée en février 2022, indique que la directive couvrira certains domaines de risque, dans le sens de la loi allemande, et ciblera également un plus grand nombre d’entreprises, son champ d’application s’étendant aux groupes suivants :

  1. Groupe 1 : toutes les sociétés à responsabilité limitée de l’UE qui comptent plus de 500 salariés et dont le chiffre d’affaires net à l’échelle mondiale est supérieur à 150 millions d’euros.
  2. Groupe 2 : toutes les autres sociétés de l’UE évoluant au sein de secteurs à fort impact définis qui comptent plus de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires net à l’échelle mondiale est supérieur à 40 millions d’euros.
  3. Groupe 3 : les sociétés établies en dehors de l’UE, mais actives dans cette zone, à partir des mêmes seuils de chiffre d’affaires que pour les deux autres groupes.

Cette directive a un long passif et devait initialement être présentée en juin 2021. Sa mise en œuvre a toutefois été reportée à une date indéterminée, ce qui a poussé l’Allemagne à travailler de son côté à l’élaboration d’une proposition de loi, afin de ne pas différer ses objectifs ESG nationaux. La directive européenne est bel et bien au rang des priorités de la Commission. Après sa promulgation, les 27 États membres auront deux ans pour la transposer dans leur législation nationale.

Tendances

Bien que les réglementations ESG ne soient pas un concept inédit, il existe à l’heure actuelle une dynamique internationale en faveur d’une législation qui couvre un grand nombre de domaines de risque et s’applique à l’ensemble de la supply chain ou de la chaîne de valeur.  
La loi allemande relative à la supply chain ainsi que la proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises illustrent parfaitement cette tendance.

Et pour la suite ?

Lorsque l’on observe l’évolution des tendances en matière d’ESG, un constat se fait évident : si les pays tendent, dans une certaine mesure, vers un objectif commun, tous ont une approche différente quant aux moyens d’y parvenir. Ce patchwork de réglementations montre la nécessité pour les entreprises de comprendre le fonctionnement de leur supply chain et de réfléchir à une approche rationalisée pour faire face à une législation changeante. Il est également essentiel de considérer que toute loi promulguée peut faire l’objet de modifications.

Comme mentionné plus haut, une fois mise en application, la directive européenne devra être transposée dans la législation nationale des 27. Cela signifie aussi que l’Allemagne devra modifier sa propre loi, déjà en vigueur. L’équipe Global Product Compliance de Coupa exerce une veille en temps réel sur les réglementations impactant la communauté BSM de Coupa afin d’aider ses clients à respecter leurs obligations de conformité.

Le sujet de la législation ESG évoluant constamment, il est important pour les entreprises d’anticiper les changements susceptibles d’impacter leurs processus opérationnels, les exigences de reporting auxquelles elles sont tenues, ainsi que leur image de marque.


Sources :

1Why is ESG important for companies and investors? (disponible en anglais), Plan A Academy, 13 juillet 2021.